Le Paradigme Perdu (extrait)

Les aventures de l’Entrecrise se déclinent également sous forme de roman.

Dans cette aventure pour l’heure en quête d’un éditeur, les choses se présentent mal : le capitaine Braddock est poursuivi en cour martiale !

« Ce n’est pas par hasard si vous vous retrouvez devant cette cour martiale, Jack Braddock ! »

Le colonel Auneille ne mâchait pas ses mots. Dans son bel uniforme pourpre de procureur, il occupait le cœur de la salle d’audience du Tribunal Sous-fédéral de Tombouctou. Son œil charmeur, équipé d’un sourire en coin, se tournait vers les drones de la presse à chaque fin de phrase. La mise à nue des failles humaines était le fond de commerce d’une partie de leur profession depuis des millénaires ; l’éventuel lynchage public du célèbre capitaine de l’Entrecrise excitait leur imagination.

« Tout au long de votre carrière, vous avez multiplié les manquements au règlement de la Flotte Fédérale. »

Braddock se tenait au garde-à-vous. Stoïque, il serrait les dents, les poings et les fesses dans l’attente de la longue liste de ses fautes. Comme tout le monde, Braddock avait horreur de l’injustice, tout spécialement lorsqu’il en était la victime. Même s’il admettait, dans son for intérieur, que son parcours était semé de décisions douteuses et d’actes répréhensibles, il était peu désireux d’en répondre et préférait se dire que les erreurs forgent le caractère, qu’elles enseignent la vie et constituent ce que les hommes appellent expérience.

« Au cours de vos classes à bord de la frégate Arabesque, vous avez plusieurs fois manqué de respect envers vos instructeurs. N’avez-vous pas fait des avances de nature sexuelle à l’une de vos enseignantes en tactique ?

— C’est de cette manière que j’ai découvert qu’elle était une espionne de l’Empire ! répliqua Braddock. On m’a donné une médaille pour ça.

— En effet, acquiesça lentement le procureur. Et c’est l’argument qui vous a permis de ne pas être inquiété malgré les accusations de harcèlement sexuel qui se sont accumulées depuis, et qui se chiffrent aujourd’hui à soixante six.

— Ca, je ne saurais vous le confirmer. C’est très vulgaire de compter ses conquêtes. »

Auneille rappela la réputation qu’avait Braddock de prendre des risques inconsidérés, de ne pas écouter l’expertise des officiers chargés de le conseiller, de violer le règlement en temps de paix comme en campagne. On l’avait soupçonné à plusieurs reprises de consommer des produits illicites en service commandé.

« Et puis il y a eu votre altercation avec le général Gravoche de la troisième flotte après les négociations qui ont suivi la bataille de Treizalore.

— On m’en a parlé, en effet, admit Braddock. Personnellement, je ne m’en souviens pas dans les détails ; j’avais un peu picolé.

— Les images vidéo parlent d’elles-mêmes, Braddock ! Vous lui avez cassé deux dents.

— Il avait eu une expression imagée et assez dégradante qui impliquait ma maman, dit Braddock d’un air digne. Après mon coup de poing, il s’est excusé et je n’ai donc pas porté plainte. Je ne vois pas où vous voulez en venir. »

Les jurés semblaient plutôt amusés par le culot du capitaine, et sans doute ne parvenaient-ils pas à faire abstraction des médailles qui étincelaient sur son torse puissant. Peu de sapins de Noël auraient pu rivaliser avec la décoration de l’uniforme de Jack Braddock. La commandante Sarah Croft était assise au premier rang du jury. Bien qu’âgée de vingt cinq ans de plus que Braddock, elle restait une femme athlétique capable de prouesses érotiques qui avaient surpris le jeune sous-officier lorsqu’il avait brièvement servi sous ses ordres. Cette relation était fort heureusement demeurée secrète.

« Le problème c’est que vous ne savez pas reconnaître quand vous commettez une erreur, reprit le procureur. Vous êtes passé en cour martiale il y a huit ans, et à cette époque, déjà vous n’exprimiez aucun regret d’avoir balancé par-dessus bord, dans le vide spatial, le contre-amiral Tollouine !

— Je n’ai pas trouvé de meilleure solution sur le moment, colonel. J’aurais aimé que quelqu’un d’autre fasse quelque chose, mais personne ne bougeait. Le contre-amiral venait de confirmer la mise à mort de quatre soldats qui avaient eu le culot de revenir vivant d’une mission suicide contre une base de l’Empire.

— La n’est pas la question…

— Si vous permettez, le coupa Braddock. Je suis en train de vous faire part de mes tentatives de regret. Le contre-amiral n’a rien voulu entendre quand j’ai plaidé que ces soldats, en sauvant leur vie, n’avaient pas failli à leur mission, puisqu’ils avaient atteint tous leurs objectifs, ce qui avait pour résultat de chasser l’Empire du système Blédina. Comme j’en ai témoigné à l’époque, le contre-amiral m’a répondu qu’en temps de guerre il fallait aider les soldats à retrouver le goût de l’obéissance.

— Et alors vous l’avez frappé. Vous avez désarmé quatre officiers, pris le commandement du pont, enfermé le contre-amiral dans un sas et ordonné que la sentence soit annulée.

— Non. J’ai demandé qu’elle soit suspendue le temps que les condamnés puissent faire appel.

— En tout cas, vous avez menacé votre officier en chef pour qu’il modifie ses ordres ! s’acharna Auneille. Tollouine a bravement refusé, et lorsqu’il a ordonné à ses commandos d’exécuter les condamnés et de vous arrêter, alors vous avez odieusement ouvert le sas. Vous l’avez tué !

— Oui. » répondit fièrement Braddock.

Au deuxième rang du jury, un capitaine applaudit sobrement. A coté de lui, une générale pleurait d’émotion. Le marteau du président de la cour réclama le silence. (…)

À suivre…

En espérant que vous puissiez bientôt lire la version complète du Paradigme Perdu.

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